Eva Mayer

Je travaille à partir de la trace — ce qui reste, ce qui échappe, ce qui dit sans bruit. Une empreinte, un fragment, un indice d’un récit oublié : ce sont ces formes discrètes, souvent en marge, qui nourrissent ma recherche. J’observe les objets abandonnés, les détails ténus du quotidien, les signes de vies passées, tout ce qui persiste malgré l’effacement.

La fragilité d’un souvenir, les marques du temps sur les choses. Je collecte, je déplace, je documente. Je cherche à faire réapparaître, sans forcément reconstruire. Travailler avec des fragments, des photographies anonymes, des lieux laissés de côté me permet d’approcher ces histoires collectives en train de s’effacer.

Je me considère comme une artiste nomade. La marche, l’errance, les déplacements sans but sont au cœur de ma pratique. Ils me placent dans un rapport au monde plus lent, plus attentif. Le corps devient outil de perception, de résistance aussi, face à une société qui valorise l’efficacité plus que l’expérience.

J’utilise des matériaux simples, parfois trouvés, souvent transformés ou juste déplacés. Ils deviennent des archives sensibles, où les temps se superposent : le temps de la marche, du passage, de l’exposition. Mon travail dialogue avec des filiations comme le Dadaïsme, l’Arte Povera, le Land Art ou Fluxus — des pratiques où le geste, le processus et le regard priment sur l’objet fini.

Je pense ma démarche comme ouverte, transversale. Elle circule entre photographie, volume, installation, dessin — sans hiérarchie, en laissant chaque médium trouver sa place au fil du projet. Il s’agit avant tout de laisser surgir quelque chose : une sensation, une mémoire, un espace pour le regard.