Ensembles fugitifs

Série de photographies, 2005

Ils prolifèrent et nous entourent. Nous en produisons sans cesse. Mais nous faisons tout pour ne pas les voir, ne plus les voir…Ces mêmes choses qui suscitaient tant de désir, il faut désormais qu’elles s’effacent entièrement.

Ramener le regard sur ces objets abandonnés, les rendre à nouveau visibles, alors que notre regard les écarte avant même qu’ils ne soient enlevés à notre environnement. Ces choses devenues si fragiles, prêtes à une disparition imminente, qui sont-elles finalement ? Qui sommes-nous quand nous (ne) les regardons (pas)

 

 

Dans ma série « Ensembles fugitifs », j’ai photographié des choses laissées sur le pavé quand s’en vont les vendeurs du marché d’Aligre. Alors, pour quelques minutes, la place se transforme en une énorme décharge publique, et pendant ce petit moment, avant que les bennes à ordures ne passent, j’ai récupéré légumes pourris, fruits avariés, trognons ou épluchures, emballages et autres objets destinés aux poubelles. Je les mets en scène sur place, dans le lieu même où elles étaient restées pour disparaître. Je les déplace légèrement pour les détacher de leur ancien contexte et les réinvente, sous forme de « natures mortes ». Ils deviennent des sculptures éphémères. L’asphalte gris me sert comme fond neutre, le soleil comme éclairage naturel. Studio de fortune pour le dernier portrait de ces choses périssables.

D’une certaine manière ma démarche procède du « recyclage » : l’objet abandonné ainsi réapproprié devient autre. Mais ces assemblages précaires reconquis sur une disparition programmée questionnent et critiquent aussi notre société de consommation. Ils racontent aussi le côté passager de ces choses naguère si désirables ce sont un peu des « vanités.